Discriminations,  Normes,  Santé publique,  Société

Pourquoi nous stigmatisons tous et toutes sans le vouloir et comment lutter contre les préjugés corporels ?

Dans cet article je vous propose de nous pencher sur les processus de stigmatisation pouvant générer des discriminations grâce aux apports notamment de la sociologie et de la psychologie.

Dans un second temps, nous nous attarderons sur le phénomène de stigmatisation liée au poids et envisagerons des pistes de solutions pour lutter contre les préjugés corporels. Nous reviendrons notamment sur le travail des représentations sociales dans une approche d’éducation pour la santé mais également sur d’autres mesures plus concrètes.

Si le terme stigmate apparaît dès l’antiquité, c’est le sociologue américain Erving Goffman, qui propose en 1963 un concept cohérent, inscrit dans une approche interactionniste. C’est en travaillant sur les dimensions sociales de la maladie mentale et des organisations psychiatriques qu’Erving Goffman a ainsi forgé le concept de stigmatisation. Il la définit comme un processus qui tend à discréditer un individu considéré comme «anormal», «déviant». Il montre que c’est au cours d’interactions sociales que l’étiquette de «déviant» est attribuée à un individu par d’autres individus, supposés «normaux». Une fois attribuée, celle-ci justifie alors une série de discriminations sociales, voire d’exclusions.

D’après ces travaux, ces stigmates seraient de trois types : les différence physiques (exemple : absence d’un membre), les traits de caractères supposés (exemple : l’addiction à une drogue est assimilée à un manque de contrôle) et des caractéristiques “tribales” (exemple : ethnicité).

Le stigmate s’inscrit ainsi dans un contexte culturel et sociétal et questionne les notions de « norme » définit par chaque société.

Selon Goffman, ce processus se déroule en cinq étapes :

  • le label de «déviant» est attribué à un individu par d’autres individus au cours d’interactions sociales.
  • L’individu se trouve réduit à son stigmate, toutes ses autres qualités sociales passant au second plan.
  • L’étiquette rend possible et justifie certaines discriminations sociales.
  • Le sujet stigmatisé intériorise la dévalorisation.
  • Le sujet stigmatisé considère comme normal et justifié le sort qui lui est réservé, le piège se referme sur lui.

Le stigmatisé s’enferme dans un véritable cercle vicieux lorsqu’il trouve normal le jugement qui est porté sur lui et finit par l’accepter. S’engage alors une dépréciation personnelle qui débouche sur une altération de l’image de soi et conduit l’individu à considérer comme légitimes les traitements discriminatoires qu’il subit et les préjudices dont il est victime.

Il y a pleinement stigmatisation lorsque la victime considère comme normal ce qui lui arrive.

Jean-Pierre Poulain, sociologue

La stigmatisation relève d’une dévalorisation de la personne, tandis que la discrimination implique une action pour lui nuire ou la mettre à l’écart.

Sur le site “Défenseur des droits” (autorité administrative indépendante), on nous informe qu’en droit, une discrimination est un traitement défavorable qui doit généralement remplir deux conditions cumulatives : 

  • être fondé sur un critère défini par la loi (sexe, âge, handicap…) 
  • relever d’une situation visée par la loi (accès à un emploi, un service, un logement…).

À ce jour, la loi reconnait plus de 25 critères de discrimination. Ainsi, défavoriser une personne en raison de ses origines, son sexe, son âge, son handicap, ses opinions… est interdit par la loi et les conventions internationales auxquelles adhère la France.

Dans l’article de PsyCom “La stigmatisation et les discriminations”, les auteurs reviennent sur la production de discriminations par la société : “Si les réactions entre individus peuvent engendrées des discriminations, d’autres fois, ce n’est pas la relation entre deux individus qui est en cause mais la manière dont la société est organisée. En effet, la société est régie par des institutions comme l’école, les hôpitaux, la justice ou la police. Ces structures génèrent parfois une inégalité de traitement entre les personnes. Les chercheurs parlent de discrimination « institutionnelle » faisant référence au fonctionnement des institutions et des organisations.

A l’échelle de la société toute entière, on retrouve une discrimination dite « structurelle ». Celle-ci est ancrée dans la culture qui s’est construite à travers l’Histoire de notre pays et qui se transmet, entre autres, par les médias. Par exemple, les personnes dépressives sont souvent confrontées au préjugé selon lequel elles manquent de volonté et qu’il leur suffirait de se secouer un peu pour aller mieux.

On parle aujourd’hui d’une discrimination « systémique », à l’échelle d’un pays ou d’une organisation. La notion de système permet d’englober à la fois les actions des individus et le fonctionnement des structures.

Les formes de discrimination liées aux institutions ou à la culture sont beaucoup moins visibles que les autres.”

Pour illustrer ce phénomène, PsyCom a proposé un iceberg des discriminations :

“(…) à la manière d’un iceberg dont on ne voit que la partie émergée, elles forment la base qui permet aux discriminations les plus flagrantes de se produire.”

Source du document en cliquant ici

Tous ces phénomènes de stigmatisation à l’échelle de la société entraînent une forme beaucoup moins consciente de stigmatisation, qu’on appelle l’auto-stigmatisation. Celle-ci trouve son origine dans des croyances négatives sur soi-même, suscitant une faible estime de soi. 

Le sociologue Jean-Pierre Poulain nous parle également du concept de prophétie autoréalisatrice : “Les représentations négatives et les stéréotypes qui pèsent sur l’obésité peuvent fonctionner parfois comme des «prophéties autoréalisatrices».

Ce concept, a été proposé par Robert Merton à la fin des années 1940. Il en donne la définition suivante:

« La prophétie autoréalisatrice (self-fulfilling prophecy) est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie ». La projection sur les personnes obèses de représentations négatives pourrait, dans cette perspective, les conduire à se conformer au stéréotype. Cette question prend une
importance d’autant plus grande que le sujet est jeune et en cours de construction (Jean-Pierre Poulain).

Ces concepts font échos également au concept d’internalisation des préjugés retrouvé en psychologie dans les travaux par exemple de Corrigan et Watson sur les stigmates associés aux maladies mentales. Les psychologues distinguent ainsi le stigmate public, également connu sous le nom de stigmate sociétal (attitudes négatives, croyances et comportements que la société ou des groupes spécifiques au sein de la société ont envers les personnes atteintes de maladies mentales incluant les stéréotypes, les préjugés et de la discrimination) de l’auto-stigmate, qui se produit lorsque les personnes atteintes de maladies mentales internalisent ces attitudes négatives et ces croyances et commencent à se voir elles-mêmes de manière stigmatisante.

Cela peut entraîner une faible estime de soi, un sentiment d’infériorité et un sentiment d’isolement. Par exemple, une personne atteinte de dépression peut commencer à croire qu’elle est inutile ou incapable de s’améliorer.

La description de la stigmatisation de l’obésité a été conduite, aux États-Unis par Werner Cahnman et Natalie Allon. Ils montrent que les personnes en situation d’obésité souffrent, dans les sociétés développées, de stigmatisation. Depuis le simple achat d’une place d’avion ou de cinéma jusqu’au poids du regard esthétique qui pèse sur lui le sujet obèse est dévalorisé, marginalisé, mis au ban de la société.

En 2020, La Ligue contre l’Obésité a réalisé un sondage au sein de la société française par l’organisme de sondage Odoxa.

Les résultats ont montré que :

  • Les personnes en obésité en sont particulièrement victimes : près d’une jeune femme sur deux (47%) en situation d’obésité en est victime
  • Les personnes en situation d’obésité subissent ces discriminations de façon répétées et partout : dans la sphère publique, à l’école, au travail, chez elles et même dans la sphère médicale
  • Les enfants aussi subissent ces discriminations (1 sur 10) et les jeunes en situation d’obésité en sont 4 fois plus souvent victimes que les autres (40%). Les adolescentes en souffrent particulièrement : 54% des jeunes filles en obésité âgées de 14 à 17 ans souffrent de ces discriminations

Plus récemment, une étude présentée par l’Inserm et publiée dans l’American Journal of Preventive Medicine utilisant les participants à l’étude NutriNet-Santé montre que les préjugés liés au poids sont répandus parmi les adultes français, en particulier l’idée réductrice selon laquelle l’obésité est due à un manque de volonté.

Les résultats de cette étude montrent que “les préjugés négatifs liés à l’obésité sont très répandus parmi les adultes en France, et correspondent davantage à une préoccupation excessive de prendre du poids et à la croyance que l’obésité est liée à un manque de volonté qu’à une antipathie vis-à-vis des personnes en situation d’obésité. Ils mettent l’accent sur la nécessité de mettre en place des mesures susceptibles de changer le regard de la société sur l’obésité et les personnes qui en souffrent.”

https://presse.inserm.fr/etude-sur-les-prejuges-lies-a-lobesite-quel-regard-ont-les-francais/66776/

La Ligue contre l’obésité nous informe que le phénomène, : “terriblement douloureux pour les victimes, est devenu si violent qu’il trouve sa place depuis 2019 dans les dictionnaires Larousse et Robert. « Grossophobie, du latin Grosso pour gros, du grec Phobie pour peur : attitude de stigmatisation, de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids. »


“Si la reconnaissance encyclopédique du néologisme est récente, l’usage, lui, remonte à une quinzaine d’années. C’est à Anne Zamberlan que l’on doit la vulgarisation de ce terme utilisé, pour la première fois, dans « Coup de gueule contre la grossophobie ».
Avec ce livre paru en 1996, l’actrice atteinte d’obésité, et victime de quolibets liés à son poids, décide de ne plus se taire. Elle se défend, dénonce. Une sorte de #MeToo de l’obésité avant l’heure.”

La grossophobie fait des ravages : risque de dépression plus élevé, détérioration de l’estime de soi, augmentation de la probabilité de souffrir de troubles du comportement alimentaire, suivi médical défaillant, déscolarisation des enfants, désocialisation des adultes…

Agnès Maurin, directrice cofondatrice de la Ligue contre l’obésité

Dans un article disponible sur l’ordre des psychologues du Québec “L’image corporelle, quand tout le monde s’en mêle : l’impact de la stigmatisation liée au poids”, les chercheuses reviennent sur les effets négatifs de ce phénomène :

“En plus d’avoir un effet néfaste sur l’image corporelle des personnes considérées comme étant en surpoids, la stigmatisation liée au poids nuit au bien-être psychologique de ces personnes et augmente leur vulnérabilité à la dépression, à une faible estime de soi, à des comportements hyperphagiques plus sévères ainsi qu’à l’évitement ou à la réduction de l’activité physique et même à un gain de poids additionnel (Annis, Cash et Hrabosky, 2004; Jackson, Grilo et Masheb, 2000; Stunkard, Faith et Allison, 2003; Tomiyama, 2014; Vartanian et Shaprow, 2008). Cette stigmatisation serait même responsable d’une partie significative des problèmes de santé physique généralement associés au fait d’avoir un poids élevé (Daly, Sutin et Robinson, 2019).”

“Par ailleurs, pour les personnes de tous les poids, l’internalisation des préjugés corporels entraîne de graves conséquences (Farrow et Tarrant, 2009).

“Lorsqu’une personne (en surpoids ou non) croit que les préjugés corporels sont vrais et lorsqu’elle les applique à sa propre situation, par exemple en se disant qu’elle est paresseuse et qu’elle devrait faire plus d’efforts pour contrôler son poids, on peut dire qu’elle a internalisé ces préjugés. Le fait d’internaliser les préjugés corporels est associé à encore plus d’insatisfaction corporelle, de symptômes dépressifs et d’anxiété et à une plus faible estime de soi (Burmeister et Carels, 2014; Durso et al., 2012; Papadopoulos et Brennan, 2015; Rudolph et Hilbert, 2014), et ce, peu importe le poids de la personne (Major, Hunger, Bunyan et Miller, 2014).”

Jean-Pierre Poulain nous rappelle également que la stigmatisation envers le poids a des effets négatifs pour tous et toutes, que l’on soit concernées ou non par le sujet :

“la stigmatisation et les systèmes de valeurs qui la sous-tendent ont aussi, en exacerbant l’idéal de minceur, des actions délétères sur les sujets qui ne sont pas en surpoids. La stigmatisation a aussi des effets d’anticipation, en inquiétant les sujets non obèses sur le sort qui risque de leur arriver «si elles deviennent comme cela». Elle soutient alors l’utilisation de différentes pratiques d’amaigrissement sans justification sanitaire qui peuvent se révéler à terme impliquées dans le développement de troubles du comportement alimentaire.”

D’après les chercheuses de l’article “L’image corporelle, quand tout le monde s’en mêle : l’impact de la stigmatisation liée au poids” : “Une des causes déterminantes des préjugés corporels semble être le fait que notre société véhicule certaines valeurs individualistes d’autodétermination et de performance ainsi que la croyance en un monde juste (Crandall, 1994). Ces valeurs sous-entendent qu’en général, les personnes ont ce qu’elles méritent dans la vie, ce qui mène à attribuer aux personnes elles-mêmes la responsabilité de leurs difficultés, sans tenir compte du contexte. Ces croyances font référence à la théorie de l’attribution de Weiner (1985) et impliquent que plus les individus pensent que le poids est contrôlable, plus ils blâment les personnes considérées comme étant en surpoids pour leur condition comparativement à ceux qui tiennent davantage compte des autres facteurs impliqués (génétique, événements de vie, environnement, etc.).

Jean-Pierre Poulain dans un chapitre du livre “Traiter l’obésité et le surpoids” (Zermati, Apfeldorfer, Waysfeld, 2010) nous rappelle que “la stigmatisation repose sur un système de représentations et de croyances qui font de l’obésité un reflet des qualités morales de l’individu. «Il est comme cela, parce qu’il mange trop. S’il mange trop, c’est qu’il ne se contrôle pas. S’il ne se contrôle pas, peut-on lui faire confiance?» On voit ici comment le raisonnement glisse d’une caractéristique physique au jugement moral de l’individu. «L’obèse est un être sans volonté», «il n’est qu’un glouton asocial»… Implicitement, ces jugements s’inscrivent dans des croyances du type: «Les individus n’ont que ce qu’ils méritent et méritent ce qu’ils ont.» Ils considèrent comme évident que «les comportements individuels sont contrôlables», que «la condition d’obèse est réversible» et que «si un individu obèse a vraiment la volonté de le faire, il peut perdre du poids». C’est dans cet univers de sens que la stigmatisation s’enracine.”

(…)”La stigmatisation résulte de la valorisation culturelle de la corpulence et des processus de définition des normes sociales de la corpulence qui désignent comme «déviants» des individus hors de ces normes. Elle se traduit par des conséquences objectives (justification de certaines discriminations) et subjectives (dévalorisation de soi chez le stigmatisé). Ces conséquences ont un impact sur le développement de l’obésité elle-même en développant une désocialisation qui constitue le soubassement de troubles du comportement alimentaire plus ou moins compensatoires et en détourant l’individu descontextes sociaux dans lesquels il est stigmatisé (comme les lieux de pratiques sportives).”

La stigmatisation découle ainsi, surtout, de nos représentations sociales :
“Il s’agit de la manière dont nous rassemblons, autour d’un groupe de personnes un ensemble de stéréotypes”

PsyCom

Toutefois il est difficile de remettre en question du jour au lendemain nos représentations sociales, même si elles nous amènent à stigmatiser sans le vouloir, et des réactions d’inconfort et de rejet peuvent se manifester (peur, colère, incompréhension).

Dans l’article de PsyCom “La stigmatisation et les discriminations” on nous rappelle que le processus de stigmatisation assurent plusieurs fonctions essentielles pour l’individu.

  • Une fonction cognitive : ces représentations nous permettent de réfléchir vite.
    En effet, il serait trop long et trop coûteux, pour notre cerveau, de décoder tous les événements nouveaux qui surviennent autour de nous en détail et dans leur complexité. A la place, nous allons piocher dans une sorte de « bibliothèque de pensées », construite par nos soins, la pensée qui colle le mieux avec l’événement auquel nous assistons. Ce procédé permet de nous sentir moins déstabilisés face à l’inconnu.
  • Une fonction sociale : ces représentations nous lient aux autres.
    Elles me permettent de me reconnaître comme appartenant à un groupe avec lequel je partage ces représentations. Si je les remets en question, je me mets en danger dans ma relation aux autres. Le groupe peut considérer que je m’oppose et m’exclure.
  • Une fonction identitaire : ces représentations fondent notre identité.
    Elles permettent à l’individu qui les exprime d’indiquer qui il est. Elles englobent ses croyances, ses convictions, ses valeurs. L’expression latine le dit bien : « Cogito ergo sum », je pense donc je suis. Si je les remets en question, je prends le risque d’ébranler toute ma personne.”

Le sociologue Jean-Pierre Poulain nous met en garde sur la participation à la stigmatisation des institutions du soin et de la prévention :

“L’existence d’attitudes négatives à l’égard des obèses, de la part de personnel médical ou paramédical à l’intérieur des institutions de santé a également été mise en évidence. Ces travaux montrent la perméabilité du milieu médical aux valeurs dominantes de la société (ici l’idéal de minceur) et l’influence déterminante de celles-ci sur les rôles professionnels des acteurs du système de santé. Comme l’avait déjà montré Goffman pour la maladie mentale, les membres de l’appareil médical assurent une fonction de «grands stigmatisateurs». L’idéologie médicale participe à la justification de l’«étiquetage» comme déviant et contribue à la dépréciation des personnes obèses.

A l’heure d’aujourd’hui de nombreuses études confirment ce phénomène

Ainsi “toute personne vivant une stigmatisation gagne à comprendre ce qu’est la stigmatisation pour savoir sur quoi agir et de quelle façon, dans le but de moins la subir. De même, tout individu, s’il est averti, peut voir la stigmatisation s’enclencher chez lui ou chez les autres et intervenir pour éviter qu’elle se produise.”

PsyCom – Santé mentale Info

Mais comme nous l’avons vu avant si la simple volonté ne suffit souvent pas, des pistes de solution sont proposées comme la recherche d’une motivation et d‘un bénéfice à ce changement de regard et de croyances :

Par exemple pour un professionnel de santé, cela peut-être d’améliorer la relation avec ses patients.

Si les valeurs de justice et d’équité font sens pour la personne, cela peut également être une motivation de s’interroger sur ces sujets-là.

Apprendre au contact de personnes ayant cheminé sur cette question, notamment parce qu’elles sont touchées personnellement où déjà sensibilisées sur ces sujets semble efficace.

La sensibilisation et la confrontation à d’autres points de vue par le biais de lectures, de podcasts, de formations, de conférences.

L’éducation pour la santé et toutes les techniques d’animation permettant la confrontation de représentations au sein d’un groupe permet de travailler ces processus et remettre en question ces croyances.

En effet, en éducation pour la santé, de nombreuses techniques d’animation ont pour objectifs :

  • l’expression (et la conscientisation) des représentations des participants du groupe
  • la confrontation de ces représentations entre les membres du groupe avec le partage d’opinions

Pour en savoir plus : consultez mon article “Pourquoi le jeu est un support intéressant en éducation pour la santé”

En plus de questionner ses représentations ses propres préjugés corporels, ses croyances envers la régulation du poids et de sa propre internalisation des standards de beauté, des mesures plus concrètes peuvent être mises en place.

L’ordre des psychologues du Québec préconise quelques conseils à mettre en place dans sa pratique clinique dont nous pouvons fortement nous inspirer :

“il est nécessaire de créer un espace où les clients considérés comme étant en surpoids ne se sentiront pas critiqués ou discriminés et qui ne véhicule pas les standards de minceur et les préjugés corporels, peu importe le poids des clients.”

Cela peut passer des mesures d’accueil par exemple un environnement physique qui puisse accueillir confortablement des personnes de différentes silhouettes.

Dans un second temps une actualisation des connaissances permettant de connaître la complexité des causes du surplus de poids, qui dépassent largement les habitudes individuelles.

Enfin dans la posture adoptée et le langage utilisé.

Je reprends ici les conseils cités par les chercheuses dans leur article “L’image corporelle, quand tout le monde s’en mêle : l’impact de la stigmatisation liée au poids”.

  • ne pas présumer que les personnes présentant un surplus de poids veulent nécessairement maigrir ou qu’il est naturel que la plupart des individus soient préoccupés par leur poids.

  • Le changement des habitudes de vie peut être encouragé dans une optique de santé et de qualité de vie, mais la perte de poids n’est souvent pas nécessaire pour atteindre ces objectifs.

  • les commentaires sur l’apparence, positifs ou négatifs, sont à éviter. Il est aussi dommageable de commenter positivement une perte de poids ou une silhouette avantageuse que de commenter négativement l’apparence d’une personne puisque les deux types de commentaires renforcent l’idée que l’apparence est importante pour déterminer la valeur d’une personne et qu’un seul modèle d’apparence est acceptable.

  • offrir à ces personnes un espace dans lequel les expériences de stigmatisation sont reconnues et valider les émotions vécues, quelles qu’elles soient (injustice, colère, impuissance, honte, etc.). L’internalisation des préjugés corporels doit également être reconnue et interprétée comme une distorsion cognitive en soi, chez les personnes de tous les poids, qu’elles souffrent ou non d’un trouble alimentaire.

  • questionner le langage à préconiser afin de ne pas appuyer les préjugés corporels. Un vocabulaire centré sur l’individu devrait être privilégié plutôt qu’un vocabulaire basé sur l’identité. Par exemple, il vaut mieux parler des « personnes considérées comme étant en surpoids » que des « obèses » ou des « gros » afin de rendre compte du fait que les préjugés corporels sont une construction sociale plutôt qu’une réalité. Le langage centré sur l’identité est utile pour les individus stigmatisés eux-mêmes s’il leur permet de reprendre le pouvoir et de diminuer la honte qu’ils ressentent. Dunn et Andrews (2015) recommandent de demander à chaque personne le vocabulaire qu’elle préfère. Par exemple, alors que certaines personnes apprécient être décrites comme grosses puisqu’elles veulent promouvoir ce qualificatif comme étant aussi neutre que d’autres adjectifs comme grande ou brune, d’autres préfèrent l’utilisation de termes d’usage plus médical.”

N’hésitez pas à consulter l’article en intégralité pour avoir plus d’éléments.

Soignants et soignantes, médecins, professionnels et professionnelles de la santé, de la prévention, du médicosocial, de la recherche nous pouvons tous et toutes nous sensibiliser sur ces sujets et devenir acteur et actrices de la lutte à notre niveau contre la stigmatisation liée aux préjugés corporels.

Mieux comprendre ces processus, les questionner et les remettre en question chez nous et chez les autres nécessite une posture d’ouverture, de curiosité et d’humilité qui peut également générer de l’inconfort.

Reconnaître nos imperfections. Vouloir mieux les comprendre. Et ne plus vouloir être guidé par elles. C’est accepter finalement d’être humain dans toute sa complexité. C’est avant tout le début nécessaire pour un changement de regard et de posture sur le monde qui nous entoure et pour participer à un monde plus équitable et surtout plus humain.

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